lundi 18 juin 2018

Pourquoi être prêtre en 2018?

Le chrétien qui s’adonne à l’oraison se rend vite compte que le bon Dieu exauce habituellement les prières de la manière la plus inattendue. À force de méditation, je sens que l’histoire de ma vocation s’explique mieux à la lumière de ce principe.


Depuis mon jeune âge, nous fréquentions en famille le sanctuaire marial de Rigaud, sorte de petit Lourdes montérégien. Après une randonnée, la tradition était d’arrêter à la chapelle pour implorer l’intercession de la Vierge, généralement en ce qui concerne les questions scolaires. À cette époque, c’est à peu près le seul contact qui me restait avec la foi, n’ayant pas mis les pieds dans une église depuis ma première communion. Les circonstances ont fait que, durant un de ces pèlerinages, je m’interrogeais sincèrement sur mon avenir; j’avais atteints l’âge où l'on commence à se demander ce qu’on va faire de sa vie. Voyant que je n’arrivais à rien de concluant, j’ai décidé de remettre tous mes questionnements entre les mains de Marie, l’implorant de diriger mes pas dans la voie qui lui plaisait. À ce moment-là, un vague désir de devenir prêtre émerge en moi; j’expulse aussitôt cette surprenante pensée. Je ne réalisais pas encore que ce premier abandon à la Providence venait de me projeter sur le chemin peu fréquenté qui mène au sacerdoce.

Approximativement au même moment, je commençais une période de recherche spirituelle. Je m’intéressais à pratiquement toutes les traditions religieuses, en me détournant néanmoins toujours du catholicisme – jusqu’à ce que, après plusieurs années d’errance, je sentais m’être plus éloigné de la vérité que rapproché. Devant ce gouffre métaphysique, ma dernière option était un retour aux sources de la foi de mes ancêtres; au lieu de retrouver un autre édifice de théories plus ou moins arbitraires se revendiquant de la vérité, je faisais la rencontre de la Vérité en personne : Jésus-Christ.
Cette rencontre déclencha en moi une véritable réaction en chaîne : le petit peu de foi que j’avais reçu produisait de l’espérance, et ensemble elles faisaient croître en moi un peu de charité, qui à son tour ne pouvait que produire une progressive conversion – qui résultait nécessairement en des dons plus abondants des mêmes vertus... La réaction s’accélérant ne pouvait que devenir explosive; et c’est mon plan de vie tel que je l’avais jusqu’à présent établi qui fut anéanti par l’explosion.

Mais la reconstruction nécessitait un nouvel architecte qui pouvait considérer cette nouvelle dimension chrétienne – l’Esprit-Saint s’imposa comme bâtisseur. Petit problème : mon parcours sinueux m’avait fait déserter l’Église peu avant ma Confirmation, rendant pratiquement impossible un discernement éclairé. C’est donc en tant que catéchumène que commence sérieusement ma recherche vocationnelle. Toutes les options sont sur la table; j’étais ouvert à toutes les directions où l’Esprit voudrait souffler.

Arrive finalement le jour de ma Confirmation. Après avoir communié pour la première comme catholique confirmé, je décide de faire mon action de grâce dans une chapelle latérale dédiée à la Vierge. Comme plusieurs années auparavant, je m’abandonne entre ses mains pour qu’elle lance là où elle veut. Instantanément, de nulle part, la certitude de l’appel à devenir prêtre m’envahit. Elle ne m’a pas quitté depuis ce jour où ma prière enfantine a été exaucée de la manière la plus inattendue, après presque dix ans de maturation. Je délaisse donc mes études en génie pour entrer au séminaire.

Je ne crois pas que ce type d’expériences se produise chez tous les aspirants prêtres, mais en discutant avec d’autres candidats au sacerdoce je me rends compte que des phénomènes semblables sont très fréquents – ce qui me porte à penser que l’on devient prêtre aujourd’hui non pas pour des raisons matérielles (comme c’était parfois le cas, supposément, à une certaine époque), mais entièrement spirituelles.  À l’image des disciples qui, rencontrant le Christ, décident de le suivre, les aspirants prêtres laissent tout tomber suite à une rencontre intime avec Jésus, la Vie et la Vérité; un véritable coup de foudre. Et c’est en côtoyant le bon Pasteur que les aspirants sont remplis de son amour pour les pauvres et les pécheurs, jusqu’au point où il leur devient impossible de le contenir et qu’ils se mettent à déborder sur le monde, comme des vases d’argile trop pleins.

 
Dominic Talbot
En cheminement vers la vocation presbytérale
au diocèse de Valleyfield



Pourquoi choisir d’être moine en 2018 ?



Immigrant au Canada depuis 1994, je suis catholique depuis ma naissance. Ma vie était profondément ancrée dans un univers catholique. J’allais à la messe à tous les dimanches. J’étais bien engagé dans ma paroisse vietnamienne. J’avais tout pour être heureux, entouré de ma famille et de mes amis. J’étais pharmacien avec un salaire enviable de 55$/h. J’étais libre extérieurement de tous soucis. Pourtant, je ne ressentais qu’un vide intérieur, car intérieurement je n’étais pas libre. J’avais des blessures intérieures comme tant d’autres jeunes.

J’avais l’intuition d’avoir conçu une façade pour masquer mes insécurités, car ma mauvaise estime de moi était inconsciemment basée sur le regard des autres. Je réalisais que mes 20 ans de vie catholique ne m’avaient pas permis d’entrer en relation avec Dieu, car j’étais plus dans une tradition et ma foi était sans vie. L’expérience chrétienne vécue sur le plan collectif était très forte en moi, mais malheureusement la vie spirituelle, la relation personnelle avec le Christ était peu présente.

Par hasard, en 2011, j’ai pu entrer en contact avec l’Abbaye de Rougemont. La charité fraternelle avait guéri mes blessures intérieures, permettant à Dieu d’entrer dans mon coeur. J’ai pu alors expérimenter réellement la miséricorde de Dieu en découvrant ce regard de Jésus sur Zachée qui ne condamne pas et qui l’accueille gratuitement dans ce qu’il est.

Le contact par hasard et graduel avec le monastère m’a alors introduit à une vie spirituelle. Je pense que la vie monastique présente une synthèse parfaite de la formation intellectuelle, spirituelle et humaine, me permettant de développer le maximum de mon potentiel. Elle m’ouvre aussi à un vrai chemin de liberté, en brisant cette façade que je me suis créée, permettant à mon coeur de m’ouvrir à Dieu, aux autres et surtout à moi-même.

J’ai pu alors découvrir et accueillir ce que je suis en vérité, mon identité, créé et aimé par Dieu. Alors, j’ai vu grandir en moi le désir de la vie monastique. J’avais la certitude que c’était bien le projet de Dieu. Alors, je n’ai pas cherché plus loin, car seul l’amour de Dieu me suffisait. Finalement, j’ai dit OUI au Seigneur, un Oui inconditionnel. Alors, j’ai quitté ma famille, mes amis, mon statut social, mes fausses sécurités et ma fausse liberté pour ce chemin inconnu qu’est la vie monastique.

Jusqu’à aujourd’hui, 2 mois après ma profession temporaire, je n’ai jamais douté de ma vocation. Je goûte de plus en plus à la vie monastique, car elle m’offre un équilibre de vie dont j’ai besoin, que je ne peux trouver ailleurs.

Prière, travail, vie fraternelle et hospitalité, particulièrement en ce qui a trait à la pastorale jeunesse, sont les 4 grandes activités qui occupent la vie de notre communauté. Notre journée monastique est meublée par la prière, communautaire et personnelle, pour louer Dieu. Cela m’aide à me recentrer en Dieu pour éviter que je me disperse dans mes projets personnels et dans des excès. Nous avons la messe à tous les jours, ce qui me ramène à l’essentiel et me rappelle sans cesse que ma vocation est un DON. La découverte de la Lectio Divina a aussi joué un rôle très important dans ma vie spirituelle et humaine. Elle me fait grandir et me nourrit à tous les jours.

Ce qui est beau de la vie monastique c’est qu’on ne fait pas tout cela seul, mais avec une communauté. On marche ensemble, on grandit ensemble comme la communauté des apôtres.

Alors, je peux dire que mon engagement et ma foi, devenue plus vivante, m’amènent à mieux apprécier la vie, à être vrai avec moi-même et avec les autres, et me poussent à vivre la charité, selon l’Évangile. Je ne cherche pas à être prêtre ni à être ce que je voudrais être, car je ne choisis pas ma vie. Je la donne, afin de répondre à cet appel du Seigneur qui me veut « moine » à l’Abbaye de Rougemont.

Fr. Martin de Porres (Profès temporaire)
Abbaye cistercienne Notre-Dame de Nazareth à Rougemont
23/05/2018