mercredi 15 décembre 2010

L'abbé Gabriel Chénard, prêtre

Pour souligner l'Année presbytérale, une série de textes fut publiée dans la revue diocésaine, INTERCOMMUNICATION, afin de faire mieux connaître les membres du clergé du Diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Ces textes font ressortir leurs implications, les joies et les peines qui les habitent dans leur ministère, leur spiritualité, etc. Nous partageons avec vous ces textes. Voici le premier d’une série de sept. 

 Comment avez-vous reconnu l’appel à la prêtrise ?
            Ce fut un cheminement sans éclat. J’ai vécu dans une famille croyante. Mes parents ne m’ont jamais parlé de la possibilité de devenir prêtre. Comme bien des jeunes garçons à cette époque, j’y avais pensé, mais ce rêve s’est estompé pendant mes années d’adolescence. L’idée de devenir prêtre est revenue dans les dernières années de mes études classiques. Je n’ai cependant jamais ressenti d’appel spécial en ce sens. Le choix à mûri et s’est précisé parce qu’il répondait au désir d’une profession dans laquelle je serais utile et heureux, ce que je pensais réaliser en devenant prêtre. C’est à cet appel intérieur que j’ai répondu.

Pourquoi avoir choisi un tel ministère ?
            Je me connaissais comme un individu plutôt sociable ; j’aimais ‘’le monde’’ et je voulais exercer une profession dans laquelle je serais en contact avec les gens. Le ministère presbytéral semblait me permettre justement d’offrir un service valable et utile dans le monde et pour le monde, quelles que soient les modalités de ce service.

C’est quoi pour vous être prêtre aujourd’hui ?
            Vers la fin du cours classique, je m’étais souvent et longuement questionné sur Dieu : j’étais ‘’théiste’’. C’est surtout au Grand  Séminaire et lors de mes études en théologie que j’ai découvert Jésus. Mon guide spirituel m’a aidé à découvrir le visage de Dieu à travers celui de Jésus, c’est ce visage qu’il m’importe de présenter au monde d’aujourd’hui. J’accorde aussi beaucoup d’importance au ministère de la Parole ; et je trouve important que cette Parole soit cohérente, pertinente et signifiante dans la modernité. Le prêtre aujourd’hui doit essayer de décoder, d’interpréter et de ‘’critiquer’’ cette culture à la lumière de l’Évangile.

Qu’est-ce qui vous aide à vivre votre vie de prêtre ?
            Rien n’est gagné d’avance ; rien ne m’est définitivement acquis. J’ai appris à reconnaître mes limites et mes forces et à devoir compter sur ce que je ne peux me donner moi-même, c'est-à-dire la grâce de Dieu. Outre la prière du bréviaire et la célébration eucharistique, j’essaie de vivre le mieux possible les événements tels qu’ils se présentent à chaque jour. Ceci étant dit, je crois avoir acquis quelques convictions de foi et de vie qui se sont enracinées en moi et auxquelles je reviens quand le vie se fait plus difficile. Mon univers relationnel est composé de nombreux laïcs, de personnes de tous âges et particulièrement de quelques familles amies : tout cela est précieux et nécessaire pour mon équilibre.

Qu’est-ce qui vous rend heureux dans votre sacerdoce ? Vos joies ?
            Ce que je considère une ligne de fond ou de continuité dans les diverses formes de ministère que j’ai exercé et qui m’a rendu heureux, c’est de partager ce que je suis, ce que j’ai reçu, ce qui me constitue comme être humain et chrétien, ce qui me fait vivre. Ayant œuvré presque trente ans dans la formation des futurs prêtres et agents(es) de pastorale et dans l’enseignement de la théologie morale, j’ai été et je suis encore émerveillé par la confiance qui m’a été manifestée par ces jeunes gens remarquables et par les coudées franches que j’ai eues avec eux. La complicité que j’ai vécue avec eux a été pour moi une source de joie dans l’exercice de ce ministère particulier qu’est l’enseignement de la théologie. De retour dans le diocèse en l’an 2000, j’ai grandement apprécié le travail pastoral en paroisse et j’ai été frappé par le dévouement et le zèle pastoral des confrères prêtres et des laïcs engagés en communion avec notre évêque.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?  Vos peines ?
            Outre les difficultés et inconvénients de la vie quotidienne et d’ordre personnel qui sont le lot de chaque individu, je trouve exigeant et difficile cette adaptation constante de la Parole de Dieu à des situations de plus en plus complexes. Je me sens, comme pasteur, constamment concerné par les tragédies humaines que vivent bien des gens, l’éclatement des institutions, le progrès scientifique et technique, les changements culturels. Cela exige de nous  analyse et réflexion à la lumière de l’Évangile pour offrir un regard nouveau, un faisceau de lumière, un discours qui fait ‘’sens’’. Là-dessus, l’Église – Institution semble souvent à des années–lumière des changements dans les mentalités et les institutions opérés par la modernité ;  cela est l’objet d’une inquiétude et d’une déception. Je fais partie des prêtres qui ont été formés durant le Concile. Nous avons lu et approfondi avec enthousiasme les documents conciliaires qui annonçaient sans détour des changements majeurs dans l’Église : l’importance du Peuple de Dieu, la primauté et la dignité de la conscience devant les préceptes, le dialogue au lieu de l’excommunication, la prise en compte du monde moderne avec ses espoirs et ses misères, la nécessité de la collégialité épiscopale … etc.  Où en sommes-nous après un demi siècle ? Ne retrouve-t-on pas une Église romaine centralisatrice, méfiante envers la modernité, tournée vers le passé, apeurée par l’exercice des droits humains et de la démocratisation dans ses propres rangs, et confirmant le refus constant de confier certains ministères à des hommes mariés et à des femmes. Je constate que tout cela est également démotivant pour bien des laïcs fervents et dévoués. Heureusement que la majorité des évêques du Québec vivent ces interrogations avec leurs prêtres et les appuient dans leurs initiatives. Quant à moi, je continue de prier pour que certains hauts dignitaires de l’Église aient ‘‘la grâce du doute’’.

Parlez – nous de votre spiritualité, de l’histoire de votre vie de foi .
            Considérant ma réponse à la question précédente, je crois important de ne pas tomber dans une attitude purement négative, de vivre l’Espérance et de miser sur la possibilité d’agir localement. Je dois composer avec mes propres lenteurs en espérant atteindre certains objectifs d’ordre personne et spirituel, avec l’obligation de devoir sans cesse recommencer et de remettre entre les mains de Dieu ce que je ne puis pas réaliser par moi-même. J’ai le doute facile et j’ai été souvent amené à questionner ma foi et à me repositionner. J’aime bien la spiritualité de François de Sales qui exerçait la douceur envers les autres, mais recommandait d’exercer avant tout cette même douceur et cette même compassion envers soi-même.

Comment vous entrevoyez le prêtre de demain ?
            J’ai lu trop de commentaires anodins et de prévisions ratées depuis quarante ans pour répondre directement à cette question. Il me semble que le prêtre de demain devra, comme celui d’aujourd’hui, accepter de se laisser interroger, de se laisser déplacer par les mouvements du monde. Il devra donc vivre éveillé, capable de s’adapter, de reformuler ses acquis et être porteur d’Évangile sur la terre qu’il foule quotidiennement, puisque c’est le monde et non l’Église qui dorénavant met les questions à son agenda. Comme le disait un théologien célèbre, il devra vivre avec la bible dans une main et le journal dans l’autre. Je crains toutefois que certains prêtres succombent à la tentation de la fuite en arrière.

Quels sont vos loisirs, vos passions en dehors de votre ministère ?
            Si vous le voulez, on va oublier le mot ‘‘passions’’ … Mes loisirs ont beaucoup évolué en même temps que mes possibilités et conditions de vie. J’ai longtemps pratiqué plusieurs activités sportives ; actuellement la musique, la lecture, l’information sur l’actualité, occupent une partie de mes loisirs. De plus, j’aime bien visiter et recevoir de temps en temps des membres de ma famille et quelques couples amis. Je me rends compte que ces rencontres sont loin d’être dissociées de mon ministère.

Gabriel Chénard, prêtre

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