mardi 15 mars 2011

L'abbé Denis Lepage, prêtre

Pour souligner l'Année presbytérale, une série de textes fut publiée dans la revue diocésaine, INTERCOMMUNICATION, afin de faire mieux connaître les membres du clergé du Diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Ces textes font ressortir leurs implications, les joies et les peines qui les habitent dans leur ministère, leur spiritualité, etc. Nous partageons avec vous ces textes. Voici le quatrième d’une série de sept. 

Comment avez-vous reconnu l’appel à la prêtrise?
C’est une vieille histoire. J’étais jeune enfant. Un dimanche matin dans l’église paroissiale de Saint-Ludger. Un père Blanc d’Afrique. J’ai été saisi par sa parole. J’étais parti.

Par la suite, quand quelqu’un racontait un épisode de l’histoire de Jésus, ma sensibilité se réveillait,  mon attirance pour cet homme Jésus se réveillait. J’étais fasciné par la bonté de Jésus, sa manière d’accueillir, d’être avec les gens sur sa route, sa façon de pardonner sans condition, sa façon de créer de l’avenir pour les gens, de donner de l’espérance.

Je voulais faire comme lui, être comme lui. Et ça fait presque 50 ans que ça dure.

J’ai pensé plusieurs fois tout lâcher, tout abandonner devant des décisions, des façons de se comporter de mon Église, plus soucieuse parfois de la Loi que de la miséricorde, ne faisant pas confiance à la conscience des gens; devant d’autres appels aussi, par exemple ce jour où j’ai été invité à faire de la politique active.

Je suis demeuré à cause de l’importance pour moi de raconter Jésus, sa bonté, sa miséricorde, sa beauté, sa promesse de vie. Je suis demeuré à cause du sens de la Parole dans ma vie.

Pourquoi avoir choisi un tel ministère?
J’ai toujours été attiré par les gens de tous les jours, les gens du quotidien, les gens près de la vie. Je ne puis pas expliquer cela.

Je ne voulais pas devenir professeur. J’ai été déçu quand j’ai été nommé au Collège. Malheureusement c’était automatique à cette époque. Quel bonheur quand j’ai été nommé aux Services diocésains et enfin en paroisse. Je voulais simplement être là avec les gens sur ma route, pour leur raconter Jésus, l’espérance qu’il pouvait faire naître dans nos vies. Je voulais créer de l’avenir avec les gens, je voulais créer du bonheur avec les gens.

C’est quoi pour vous être prêtre aujourd’hui?
Être prêtre pour moi aujourd’hui c’est être en mouvement, c’est m’approcher des gens, m’intéresser aux gens là où ils sont. Être prêtre aujourd’hui c’est aller au Metro et m’arrêter pour jaser, c’est sortir de ma voiture dans les files d’attente au quai de Montmagny pour jaser avec les gens, c’est être là avec les gens sur le bateau, dans les salles d’attente des aéroports de Montmagny et de l’Isle-aux-Grues, c’est d’aller de table en table au bingo ou aux repas des différentes rencontres. Être prêtre aujourd’hui c’est reconnaître et nommer la Présence qui m’habite et mettre les gens que je rencontre en contact avec cette Présence pour qu’elle soit pour eux et pour moi source d’une immense espérance.

Être prêtre aujourd’hui c’est dire, raconter la Parole d’amour, de tendresse, de miséricorde, de vie de Jésus par un site web (www.quegermelavie.com) et chaque dimanche dans la petite communauté de l’Isle-aux-Grues.

Qu’est-ce qui vous aide à vivre votre vie de prêtre?
Les gens qui m’entourent, leur beauté, leur bonté, leur générosité.

Les difficultés que je vois, les besoins qui me sont confiés et pour lesquels je veux donner une bonne parole.

La rencontre avec Jésus dans sa Parole que je reçois, que je laisse mijoter en moi et que je redonne aux gens.

La célébration de l’eucharistie et des sacrements et particulièrement le baptême.

Les trois amis que je rencontre presque chaque mois depuis plus de 40 ans pour un bon repas où nous parlons de notre vie et réglons tous les problèmes du monde. Merci à vous.

Les gens qui ont voulu partager leur amitié et leur vie avec moi, qui m’accueillent chez eux, me garde en vie. Merci à vous tous et vous toutes.

Mon Église quand elle est miséricordieuse, quand elle reconnaît et fait confiance aux gens, quand elle a une parole de bonté.

Mes confrères qui se donnent sans compter. Bravo à vous.

Ma petite communauté de l’Isle-aux-Grues tissée serrée accueillante, fraternelle, généreuse. Il faudrait raconter au monde entier la «Vente des âmes» où 120 personnes chaque année donnent à la fabrique un montant incroyable : 19 400.00$ en 2009).

Qu’est-ce qui vous rend heureux dans votre sacerdoce? Vos joies?
Je suis heureux quand je me rends compte que la Parole est présente dans la vie des gens à travers leur bonté, leur partage, leur accueil, leur gratuité, leur capacité à donner et à se donner; à travers les gestes de tendresse qu’ils s’échangent, les pardons qu’ils se donnent, les liens qu’ils créent.

Je suis heureux quand les gens prennent des décisions pour la vie, utilisent leur conscience.

Je suis heureux quand des gens blessés profondément dans ce qu’ils ont de plus cher réussissent à prendre le chemin du pardon.

Je suis heureux, quand à travers des retraites, des récollections ou des rencontres, il m’est donné de raconter la Parole de Dieu.

Je suis heureux tout simplement d’être en vie et de pouvoir raconter la Parole de Dieu.

Je suis heureux chaque semaine de rencontrer la communauté chrétienne dont je fais partie et de célébrer avec elle l’eucharistie.

Quels sont les difficultés que vous avez rencontrées? Vos peines?
La mesquinerie. La malhonnêteté. La non-reconnaissance de mon Église. Les lettres anonymes qui m’ont beaucoup blessé, empêchant un face à face courageux pour s’expliquer. L’attachement malsain des gens aux bancs d’église, empêchant toute réorganisation de l’espace pour des célébrations plus vraies, plus chaleureuses, plus participatives.

Par-dessus tout ce qui m’a blessé et me blesse encore c’est quand mon Église sait tout, qu’elle se croit la seule à savoir,  quand elle veut tout contrôler, quand elle ne fait pas confiance à mes frères et sœurs, chrétiens et chrétiennes, à leurs expériences de vie, quand elle continue de s’attacher aux falbalas et aux signes impériaux.

Ce qui me blesse c’est quand mon Église s’enferme dans des concepts qu’elle dit immuables bloquant ainsi bien des changements qui seraient nécessaires, bloquant souvent la créativité.

Je souhaite une Église proche des gens, une Église pour les gens, une Église qui écoute, qui peut apprendre des gens, une Église qui sait la vie des gens, une Église qui est compatissante, humble, qui dit une parole d’espérance, qui libère, qui met en relation avec le Dieu tout amour et tout pardon.

Parlez-nous de votre spiritualité, de l’histoire de votre vie de foi.
Je puise le sens à ma vie, ma force et mon espérance dans la Parole de Dieu, dans la célébration de l’eucharistie, des sacrements, dans les psaumes, dans ce que me raconte, par leur vie, ceux et celles qui sont sur ma route, entre autres, ces religieuses amies qui m’ont aidé à simplifier ma vie. Merci à vous toutes.

Comment vous entrevoyez le prêtre de demain?
Le prêtre de demain. Y en aura-t-il encore? Ils sont en train de mourir sous des fardeaux presque surhumains. Je les admire. Je leur lève mon chapeau tout en souhaitant qu’ils soient capables de dire que trop c’est trop.

Le monde a changé. L’Église doit changer. Le prêtre doit changer. Je le vois homme, femme, marié ou pas, à temps plein ou pas,  totalement libéré de toute administration, ce qui veut dire qu’il nous faut changer la Loi des fabriques, qu’il nous faut libérer les prêtes du système actuel.

Je vois le prêtre libre de son temps pour marcher, pour être en mouvement, pour aller là où sont les gens, pour créer des liens, des alliances,  parler, écouter, vivre les joies et les peines des gens, partager avec eux la Présence qui l’habite. Alors, ensemble, ils pourront s’asseoir autour de la table pour partager un repas commun, pour partager la vie et peut-être partager le Corps du Christ car ils seront  le Peuple de Dieu en marche.

Quels sont vos loisirs, vos passions en dehors de votre ministère?
J’ai eu longtemps un chalet qui est devenu ma maison à Rivière-Ouelle. J’y faisais tout : la nourriture, l’entretien de la maison et du boisé, du bricolage de toutes sortes.  Dans mes parterres, il y a eu jusqu’à 100 cultivars de fleurs vivaces, quelques unes rares, dont le lys du Canada. J’y ai planté des arbres de toutes sortes.

J’ai passé beaucoup de temps à admirer le grand fleuve, ses magnifiques couchers de soleil. J’ai passé beaucoup de temps à lui parler.

Aujourd’hui, je m’adonne à la lecture, quelque fois à un bon roman, le plus souvent à des livres et des revues concernant mon métier de prêtre pour demeurer éveillé, à l’affût.

J’aime écouter le silence ou une belle musique.

J’aime écrire, raconter des histoires pour éclairer la vie. J’aime raconter des histoires  qui font du bien.

Depuis 1es années 76-77, j’avais découvert l’informatique, au temps où c’était compliqué. Je m’y intéresse beaucoup maintenant. J’aime connaître les développements, les nouveaux gadgets. Pour me récompenser, je m’achète une revue qui traite de l’informatique. Je m’habilite à utiliser les logiciels d’Office. Je prépare des pages Excel pour rendre plus facile le secrétariat de l’Isle-aux-Grues. J’y ai même informatisé toutes les archives. Et puis, chaque semaine, j’entretiens mon site web.

Vous dire que j’ai la vie belle et bonne. Merci.
Denis Lepage

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