Depuis mon jeune âge, nous fréquentions en famille le
sanctuaire marial de Rigaud, sorte de petit Lourdes montérégien. Après une
randonnée, la tradition était d’arrêter à la chapelle pour implorer
l’intercession de la Vierge, généralement en ce qui concerne les questions
scolaires. À cette époque, c’est à peu près le seul contact qui me restait avec
la foi, n’ayant pas mis les pieds dans une église depuis ma première communion.
Les circonstances ont fait que, durant un de ces pèlerinages, je m’interrogeais
sincèrement sur mon avenir; j’avais atteints l’âge où l'on commence à se
demander ce qu’on va faire de sa vie. Voyant que je n’arrivais à rien de
concluant, j’ai décidé de remettre tous mes questionnements entre les mains de
Marie, l’implorant de diriger mes pas dans la voie qui lui plaisait. À ce
moment-là, un vague désir de devenir prêtre émerge en moi; j’expulse aussitôt
cette surprenante pensée. Je ne réalisais pas encore que ce premier abandon à
la Providence venait de me projeter sur le chemin peu fréquenté qui mène au
sacerdoce.
Approximativement au même moment, je commençais une période
de recherche spirituelle. Je m’intéressais à pratiquement toutes les traditions
religieuses, en me détournant néanmoins toujours du catholicisme – jusqu’à ce
que, après plusieurs années d’errance, je sentais m’être plus éloigné de la
vérité que rapproché. Devant ce gouffre métaphysique, ma dernière option était
un retour aux sources de la foi de mes ancêtres; au lieu de retrouver un autre
édifice de théories plus ou moins arbitraires se revendiquant de la vérité, je
faisais la rencontre de la Vérité en personne : Jésus-Christ.
Cette rencontre déclencha en moi une véritable réaction en
chaîne : le petit peu de foi que j’avais reçu produisait de l’espérance,
et ensemble elles faisaient croître en moi un peu de charité, qui à son tour ne
pouvait que produire une progressive conversion – qui résultait nécessairement
en des dons plus abondants des mêmes vertus... La réaction s’accélérant ne
pouvait que devenir explosive; et c’est mon plan de vie tel que je l’avais
jusqu’à présent établi qui fut anéanti par l’explosion.
Mais la reconstruction nécessitait un nouvel architecte qui
pouvait considérer cette nouvelle dimension chrétienne – l’Esprit-Saint
s’imposa comme bâtisseur. Petit problème : mon parcours sinueux m’avait
fait déserter l’Église peu avant ma Confirmation, rendant pratiquement
impossible un discernement éclairé. C’est donc en tant que catéchumène que
commence sérieusement ma recherche vocationnelle. Toutes les options sont sur
la table; j’étais ouvert à toutes les directions où l’Esprit voudrait souffler.
Arrive finalement le jour de ma Confirmation. Après avoir
communié pour la première comme catholique confirmé, je décide de faire mon
action de grâce dans une chapelle latérale dédiée à la Vierge. Comme plusieurs
années auparavant, je m’abandonne entre ses mains pour qu’elle lance là où elle
veut. Instantanément, de nulle part, la certitude de l’appel à devenir prêtre
m’envahit. Elle ne m’a pas quitté depuis ce jour où ma prière enfantine a été
exaucée de la manière la plus inattendue, après presque dix ans de maturation.
Je délaisse donc mes études en génie pour entrer au séminaire.
Je ne crois pas que ce type d’expériences se produise chez
tous les aspirants prêtres, mais en discutant avec d’autres candidats au
sacerdoce je me rends compte que des phénomènes semblables sont très fréquents
– ce qui me porte à penser que l’on devient prêtre aujourd’hui non pas pour des
raisons matérielles (comme c’était parfois le cas, supposément, à une certaine
époque), mais entièrement spirituelles.
À l’image des disciples qui, rencontrant le Christ, décident de le suivre,
les aspirants prêtres laissent tout tomber suite à une rencontre intime avec
Jésus, la Vie et la Vérité; un véritable coup de foudre. Et c’est en côtoyant
le bon Pasteur que les aspirants sont remplis de son amour pour les pauvres et
les pécheurs, jusqu’au point où il leur devient impossible de le contenir et
qu’ils se mettent à déborder sur le monde, comme des vases d’argile trop
pleins.
Dominic Talbot
En cheminement vers la vocation presbytérale
au diocèse de Valleyfield